Je marche dans une rue qui autrefois débordait de vie : les magasins étaient ouverts, les enfants riaient, les voisins discutaient. Aujourd'hui, ce n'est plus qu'un cimetière de décombres et de poussière. L'air est chargé de fumée, me pique les yeux et rempli mes poumons d'une odeur de feu et de peur. Chaque pas ravive le souvenir de ce qu'a été cet endroit, et le contraste est insupportable.
Puis je les vois. Des enfants. Certains ont perdu un bras, d'autres une jambe, d'autres encore les deux, mais leurs petits corps se déplacent parmi les débris avec un courage qui semble presque impossible.
Leurs yeux, grands ouverts, interrogateurs, posent des questions qu'aucun enfant ne devrait jamais avoir à poser : Pourquoi moi ? Pourquoi ici ? Quelqu'un va-t-il me voir ?
Un garçon est assis sur le trottoir, il fait rouler une petite voiture cassée sur les fissures. Son rire est fragile, aigu, mais c'est tout de même un rire. À proximité, une fille se tient en équilibre sur une poutre tombée, ses petits pieds agrippés au bois éclaté comme si sa seule volonté pouvait maintenir le monde en place. Le vent souffle dans les bâtiments détruits, transportant de petits bruits : le battement d'ailes d'un oiseau, le rire d'un enfant, l'aboiement d'un chien, autant de rappels que la vie persiste.
Au milieu de toute cette destruction, un poids énorme m'oppresse la poitrine : colère, impuissance et tristesse à la fois. Comment le monde peut-il continuer comme si de rien n'était alors que la vie de ces enfants s'effondre ? Ici, l'innocence a été volée, remplacée par des cauchemars, et les cris sont devenus le langage de la survie.
Je m’assois à côté d'un petit garçon qui essaie de me sourire. Je ne peux pas lui rendre son sourire. Les larmes me montent aux yeux lorsque je réalise que les mots ne peuvent jamais décrire les horreurs dont son âme est témoin. Tout ce que je peux faire, c'est poser doucement ma main sur son épaule et lui murmurer : « Tu n'es pas seul. »
À proximité, une petite fille est assise sur le rebord d'une porte brisée, serrant dans ses mains un morceau de métal tordu comme s'il s'agissait d'un jouet. Nos regards se croisent un instant, et dans son regard, je vois tout un monde d'histoires, un monde déchiré avant même d'avoir commencé. Et pourtant, même ici, la vie refuse de s'éteindre complètement. Des mains se tendent les unes vers les autres. Les enfants partagent des restes de nourriture, se réconfortent mutuellement, murmurent de petites blagues qui ressemblent presque à des chansons. Les plus petits gestes d'attention émergent du chaos, fragiles étincelles d'humanité dans un monde déterminé à l'effacer.
Je continue de marcher, leurs visages gravés dans mon esprit, leur courage dans mon âme. Même si le monde détourne le regard, je me suis promise de ne pas le faire. Chaque vie, même la plus petite, chaque cri, même le plus faible, compte. Leurs histoires méritent d'être rappelées. Leurs rires, leurs larmes, leur survie, autant de preuves que même dans les ruines les plus sombres, la vie insiste pour être vue, ressentie et honorée.